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LA CZARINE NOIRE

— Te souvient-il du jour où tu m’as rencontrée ? dit-elle, baissant la voix et jouant avec la chevelure du maître.

— Comment ne m’en souviendrait-il pas ? La guerre contre Kiew était finie. Mon armée revenait lentement. J’étais resté en arrière et me trouvais dans le train qui, tout à coup, s’arrêta.

— Deux de tes vaillants boyards se disputaient furieusement une femme, compléta l’esclave avec un frémissement des lèvres.

— C’était toi, Narda !

— C’était moi. L’un des deux m’avait enlevée. Il avait surpris notre ferme et massacré mon époux.

Une sinistre et douloureuse lueur s’était allumée au fond de ses yeux. Elle reprit :

— Je jubilai en voyant l’un attaquer l’autre et lui enfoncer son couteau dans la poitrine. Il m’avait attachée, les mains liées derrière le dos, à la queue de son cheval, et maintenant il gisait à terre et je pouvais poser mon pied sur sa tête. Je ris en voyant son agonie, j’étais vengée !

Le czar regarda la belle créature et fut saisi d’un frisson. Elle continua.

— Il se produisit un tumulte. Tout le monde se