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ARIELLA

de pommes, arrosés de bière, et durent évacuer leur loge. L’indignation générale prenait les proportions d’une émeute : les uns réclamaient à cors et à cris la mise en liberté du poète ; les autres engageaient le peuple à se faire justice sur les Lords ; en vain, la reine fixait sur le parterre son regard sévère et dominateur.

Le hasard voulut qu’à ce moment Shakespeare traversât, les menottes aux mains, une ruelle derrière le Black-Friars-Theatre, escorté par les hallebardiers qui le conduisaient à la Tour. Au moment où il passait la porte, il entendit son nom clamé par des centaines de voix. Alors, sans se rendre compte de ce qu’il faisait, il renversa ses gardiens et se précipita sur la scène.

En proie à une émotion surhumaine, il avança jusqu’à la rampe où, tombant à genou, il s’appuya sur l’une de ses mains enchaînées et, de l’autre, salua le public.

Deux hallebardiers le rejoignaient à cet instant, mais, troublés par l’aspect de la salle en délire, ils s’arrêtèrent derrière leur prisonnier. Des couronnes et des fleurs tombèrent aux pieds de celui-ci, et, finalement, la reine elle-même se leva, prit une rose qui ornait son sein virginal, et la jeta au poète.