Page:Sacher-Masoch - La Czarine noire et autres contes sur la flagellation, 1907.djvu/332

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
316
L’AMOUR CRUEL

réelle, il est le parfait Richard Burbadge à qui sont soumises toutes les intonations capables d’émouvoir le cœur humain, et elle, la délicieuse Ariella, une comédienne à qui tous, sans exception, nous faisons la cour. Celui qui se tient devant, est l’auteur et, à côté de lui, lord Southampton, son protecteur.

Les jeunes gens disparurent dans les coulisses, faisant la chasse aux jolies comédiennes. Seul, l’officier resta, fasciné par le tableau féerique du balcon. La scène terminée, Southampton applaudit des deux mains.

— Dans cette scène, tu t’es surpassé, mon doux cygne de l’Avon, dit-il en passant son bras autour du cou du poète.

Shakespeare, alors âgé de 24 ans, n’était point beau, mais en tout point un homme. Il eut un douloureux sourire.

— Ils n’en conviendront point, murmura-t-il. Ben-Jonson, Hughes, Marlowe, comme s’appellent tous mes adversaires, trouveront que le clown est devenu sérieux, et ce sera tout.

— Que nous importe ! fit Southampton en riant. Tu triompheras d’eux tous. À partir d’aujourd’hui, une ère nouvelle s’ouvre pour la poésie anglaise. Que veux-tu de plus ?