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L’AMOUR CRUEL

tes exigences. Le tribut fixé par toi est trop élevé, il nous écrase et nous pousse à la révolte, par cela seul, déjà, que son produit n’est destiné ni à toi ni au royaume, mais aux hommes de ta suite. Est-il juste, czar Igor, que nous payions de notre sang, ceux qui n’ont pas fait pour toi et tes ancêtres, plus que nous-mêmes ? Ne vous avons-nous pas suivis, toi et tes prédécesseurs, par terre et par mer, dans toutes vos campagnes contre les empereurs de Byzance ?

— Et qui retira le plus d’avantage de ces guerres ? interrompit le monarque, sinon vous, habitants de la Podolie. Qui vous a libérés de la domination des Chasars et du tribut que vous payiez à ces brigands d’Asie ? nous, les czars de Kiew. Le Dniester ne porte-t-il pas vos blés d’or jusqu’à la mer Noire ? La mer ne les conduit-elle pas jusqu’aux Sept Tours ? Et ne recevez-vous pas en échange, les précieux tissus et autres marchandises rares, produit de l’art des Grecs, pour les écouler sur nos marchés ? On dit qu’en Podolie coulent le miel et le lait, que ses gras pâturages maritimes sont couverts de troupeaux, qu’à perte de vue s’étendent ses champs féconds en un océan jaune d’épis, et que, sur les rives du Dniester,