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L’AMOUR CRUEL

indifférence vers celui qu’elle prenait pour un mendiant, puis sourit à nouveau à l’officier.

— Adrienne ! répéta le poète.

La voiture avait disparu, Desforges, assis sur une pierre, pleurait. Il demeura ainsi jusqu’à la nuit. Puis il se leva brusquement et lança sur la ville endormie une terrible malédiction.

— Que maudite soit l’engeance qui estime un écusson plus que la dignité humaine. Maudites, les femmes qui remplacent les vertus et les mœurs par la cruauté et la ruse ! Maudits, les tyrans qui nous foulent aux pieds et nous arrachent le cœur, en se riant de le voir palpiter entre leurs mains Malédictions sur elle, sur elles toutes !

Sur ces mots, il partit pour se rendre à la frontière.

La malédiction du poète ne devait que trop rapidement s’accomplir. La Pompadour mourut, détestée et privée de funérailles, et, après la mort de son royal amant, ce fut le déluge qu’il avait prévu, c’est-à-dire la Révolution française.

Quarante ans après avoir été exposé dans une cage de fer à la risée de la populace, Desforges vit, sur cette même place, tomber les têtes du marquis et de la marquise de Maurepas sous le couperet de la guillotine.