Page:Sacher-Masoch - La Czarine noire et autres contes sur la flagellation, 1907.djvu/179

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
163
LA VÉNUS DE MURANY

En vain, Benjo le supplia de ne pas se confier à une femme qu’un fanatisme politique et religieux rendait capable de tout. En vain rappela-t-il à son chef les responsabilités qui pesaient sur lui, Wesseleny n’était pas homme à changer sa décision.

— Plutôt que de m’en retourner, vaincu et ridiculisé, de Murany, je préfère jouer la partie. Je veux, d’un seul coup, conquérir la plus belle des femmes et la plus imprenable des forteresses, ou y perdre ma tête.

Wesseleny remit au fidèle, en cas d’insuccès, le commandement de ses troupes, et prit toutes les dispositions utiles. Une dernière fois, il s’assura que tout était en ordre dans le camp, que les sentinelles veillaient, et fit, à son remplaçant, de courts mais affectueux adieux.

Le premier coup de minuit sonnait quand il posa le pied sur l’échelle de cordes et s’élança d’un pas rapide dans le vide, jusqu’à la fenêtre qu’il enjamba.

Il mit le pied dans une petite chambre qu’éclairait d’un jour douteux, une lampe rougeâtre. Pendant quelques instants, tout demeura dans le silence. Tout à coup, des hommes masqués se précipitèrent sur Wesseleny et le cernèrent.