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LA VÉNUS DE MURANY

été découragé ; mais, en lui, elles éveillèrent un sentiment de joie, car son ambition n’avait point d’égale, et, plus le danger était grand, meilleure était l’occasion qui s’offrait à lui d’employer son énergie et sa valeur, et d’atteindre à la renommée. Aussi le vin de Tokai coula-t-il à flots, comme s’il s’agissait de fêter une victoire, et l’invitation, transmise au baron, de se réunir à l’armée de Pouschaim, fit-elle se gonfler la poitrine du jeune guerrier, des espérances les plus exaltées.

Le départ fut organisé. Toute la nuit, on entendit, dans les couloirs et dans les salles, le bruit des armes et les appels joyeux des soldats, tandis que Wesseleny, assis devant sa table en bois massif, rangeait ses papiers en homme qui fait ses adieux à la vie. Tout à coup, ses yeux tombèrent sur un portrait, égaré au fond d’un tiroir. Il le prit dans sa main et le regarda longuement, avec un sourire douloureux. L’image représentait une jeune dame d’une rare beauté et dont les traits semblaient unir les charmes de Vénus à la majesté de Junon. Une somptueuse fourrure enveloppait le torse gracieux et fier, une opulente chevelure blonde encadrait la tête au port noble et hautain, d’une physionomie douce et virile. Wesseleny passa la