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L’AMOUR CRUEL

forces contre moi-même, car j’abhorre le meurtre autant que je vous hais. Plus d’une fois, j’ai été sur le point d’abandonner mon projet. Mais les ombres sanglantes des deux martyrs revenaient devant mon âme, réclamant leur vengeance, et l’image de mon inoubliable époux, que je portais sur mon cœur, me rappelait le serment fait sur son cadavre. J’ai entendu dire qu’une femme, poussée par l’amour, ne pouvait ni par des raisons, ni par des prières, être empêchée d’accomplir sa volonté. En moi, cela s’est trouvé vrai. Pour mieux accomplir ma mission, j’ai pris des vêtements d’homme et suis entrée à votre service, sous le nom d’Antoine Sparte. J’avais toujours sur moi deux pistolets — l’un pour vous, l’autre pour moi — afin d’échapper à la honte publique d’une exécution. Dieu ne l’a pas voulu. J’attends, tranquille et sans me plaindre, ce qu’il m’a réservé.

— Avez-vous fini ? demanda Elisabeth, après un court silence.

— J’ai fini, dit Marguerite Lambrun.

— Vous êtes convaincue que, par cet acte, vous avez rempli un devoir, une obligation que votre fidélité à vos maîtres et à votre mari, vous imposait ?