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L’AMOUR CRUEL

— Oh je ne te trahirai pas, continua Trafford. Ce que je sais de toi, de tes secrets, demeurera enfoui au plus profond de mon cœur. Car je suis tout à toi, ton ami, ton serviteur, ton esclave si tu veux.

— Lève-toi, fit la belle inconnue, Tu ne dois pas t’agenouiller devant moi. Je veux me confier à toi, car tu es généreux. Eh bien, oui, je suis une femme, une femme qui ne doit plus songer aux joies de cette vie, qui ne doit plus aimer, ni entendre parler d’amour. Aie pitié ! Ne me parle jamais de ce que ton cœur ressent. Cela me fait mal, indiciblement mal.

— Parce que tu ne m’aimes pas, parce que tu ne peux pas m’aimer, murmura Trafford désolé.

— Non, s’écria l’inconnue avec exaltation, parce que j’ai peur de t’aimer, d’être forcée de t’aimer, et qu’un serment solennel m’interdit de jamais appartenir à aucun homme. J’ai une mission à remplir sur terre, après quoi Dieu me prendra à lui.

— Je ne veux point te questionner sur le malheur qui te frappe, repartit le gentilhomme. Mais, je t’en supplie, n’agis pas sans me consulter. Un homme prêt à te vouer son épée, sa fortune, ses biens, sa