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MARGUERITE LAMBRUN

ment avait-il pu douter que ce visage doux et mélancolique ne fût celui d’un être féminin, le plus beau qu’il eût jamais vu.

Et il se prit à aimer cette femme d’autant plus follement qu’il avait inconsciemment entretenu sa passion, sous le couvert d’une pure amitié, d’une compassion charitable pour un jeune enfant persécuté.

Trafford n’était pas encore fixé sur la manière dont il lui ferait part de son amour et soulèverait, d’une main délicate, le voile dont elle s’enveloppait, quand lui revint à la mémoire le beau sonnet que Shakespeare venait d’adresser à son ami et protecteur Essex, comte de Southampton. Il en crayonna les vers sur une page de son carnet, arracha la feuille et la glissa furtivement dans la main du page. Sparte pâlit, jeta un coup d’œil sur Trafford, puis sur le feuillet.

Il n’en lut que les premiers mots : « Je suis ton esclave, » et déjà une rougeur brûlante couvrait ses beaux traits. Il glissa le célèbre sonnet, qu’il savait par cœur comme toutes les personnes de la cour, dans un pli de ses vêtements, et précéda la reine en portant le lampadaire. En passant près du gentilhomme attentif, il baissa la tête.