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L’ENNEMI DES FEMMES

qu’il a écrit des choses indignes. On m’a lu votre article, panna Nadège. Je n’ai pas très bien saisi tout ce que vous dites de ses vers, mais j’ai compris qu’il insultait les femmes belles, savantes, utiles à la patrie, comme vous. Et ce que vous ne lui avez pas dit, je veux le lui dire, en mon nom, et au nom des braves gens qui me lisent votre journal : c’est lâche, entends-tu, Jaroslaw ? Au nom de ta mère qui est là-haut, et qui eût béni cette femme-ci comme une sainte, au nom de l’honnête fille qui est là-bas, que tu méprises et qui t’aime toujours, je te le dis, tu as commis une mauvaise action. Tu t’es révolté contre l’honneur, contre la beauté, contre la justice, contre la patrie. Tu as raison de ne pas t’avouer pour mon fils, car j’ai honte d’être ton père.

Jaroslaw passa la main sur ses cheveux blonds qui dégouttaient de sueur. Le vieux Gaskine huma l’air. Sa poitrine se soulageait. Il continua avec moins de sévérité :

— Vous savez maintenant, madame, ce que je n’ai pas voulu vous dire à ma première visite. J’avais, d’ailleurs, encore un peu pitié de lui. On ne peut pas s’arracher les enfants du cœur comme on arrache un arbre ; il y a toujours un peu des racines qui repoussent. On me disait que le fils d’un paysan pouvait être méprisé à la ville. Alors, je passais à côté de lui, quand il y avait du monde dans la rue, sans le reconnaître. Mais j’ai été si surpris de le voir ici, quand j’y venais précisément