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L’ENNEMI DES FEMMES

— Alors c’est de vous, monsieur Jaroslaw, reprit Nadège, que je veux savoir le mot de ce mystère.

Jaroslaw avait les yeux bas et errants d’un loup pris au piège. Il devint très pâle, ouvrit la bouche et la referma sans parler.

— Eh bien ?

— C’est mon père, balbutia le poète d’une voix basse et sourde.

— Votre père !

Le vieux Gaskine sembla pétrifié ; il restait immobile, morne, sans un geste.

— Pourquoi vous appelez-vous Jaroslaw ? demanda Nadège d’un ton sérieux.

— C’est mon nom… aussi.

— Oui, mais vous supprimiez l’autre.

— Je ne voulais pas…

— Vous avez eu tort, il fallait porter fièrement votre nom paternel ; c’est celui d’un honnête, loyal et bon citoyen, qui ne méritait pas d’être désavoué. Il faut lui demander pardon, monsieur Jaroslaw.

— Ne le grondez pas, panna Nadège, reprit avec émotion le brave fermier. S’il n’avait pas redouté les moqueries des beaux messieurs qu’il fréquente, c’est moi qui lui aurais ordonné de supprimer mon nom. Je n’aimais pas le métier qu’il voulait faire ; je sais maintenant que j’avais bien raison de ne pas l’aimer.

— Que savez-vous donc, monsieur Gaskine ?

— Je sais, reprit Gaskine en hochant la tête,