Au lieu de ces lieux communs contre les femmes, que vous ressassez après tant de mauvais maris et de piteux amants, que ne vous appliquez-vous à chercher ce qu’il y a de bon, de grand, d’utile dans les cœurs des deux sexes ? La vraie poésie est le vrai amour ; ce n’est pas la haine. Avez-vous une mère ? une sœur ? Vous êtes trop jeune pour avoir beaucoup de trahisons à venger. Au lieu de vous faire le champion des maladroits torturés par des coquettes, pourquoi ne cherchez-vous pas à découvrir une âme féminine digne de compléter et d’agrandir la vôtre ? On dirait que vous répétez une leçon apprise, tant vous avez peur des moindres retours de conscience dans vos satires. Vous débitez tous ces anathèmes sans vous arrêter, comme si vous redoutiez de ne pouvoir continuer, à la moindre réfléxion. Avouez-le-moi, vous ne pensez pas tout que ce vous avez dit ?
Jaroslaw était cramoisi. Il lui semblait qu’un soleil s’épanouissait devant lui pour l’aveugler. Il n’avait pas prévu les beaux yeux de Nadège. Il se sentit soudainement converti, prêt à trahir Diogène, à tomber aux pieds de cette belle femme qui se moquait doucement de lui.
Il balbutia des paroles confuses, parla des exagérations permises en poésie, s’entortilla dans des explications qui n’expliquaient rien et finit par proposer à la directrice de la Vérité d’écrire spécialement pour elle un grand roman.
Madame Ossokhine l’écoutait sans le décourager.