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L’ENNEMI DES FEMMES

gène lui-même ne put s’empêcher, pour dégager son amour-propre, de trouver qu’elle avait raison. Mais quand Jaroslaw vint le trouver, tout déconfit, tout palpitant, il feignit d’être très indigné.

— Si l’auteur de l’article était un homme, vous devriez le souffleter, dit-il imprudemment.

— Mais, c’est une femme ! s’écria Jaroslaw sans trop de regrets apparents.

— Eh bien, toute femme qu’elle est, prouvez-lui qu’elle ne vous fait pas peur. Allez la trouver. C’est une coquette qui voulait un hommage. Rendez-le lui. Vous nous donnerez le spectacle d’une palinodie féminine.

Jaroslaw n’était pas très disposé à croire qu’une visite suffirait pour changer l’opinion de madame Ossokhine. D’un autre côté, il lui était impossible de ne pas faire la démarche demandée par Diogène. Comment refuser quelque chose à son Mécène ?

Quant au philosophe, il était absolument persuadé de l’inutilité de la démarche qu’il conseillait ; mais elle pouvait être l’occasion d’un scandale. Elle exaspérerait Nadège, et c’était autant de satisfaction accordée à ses sentiments haineux.

En conséquence, Jaroslaw se fit très beau, se parfuma, car, après tout, son adversaire était une femme, médita le discours à la fois digne, spirituel, galant et ironique dont il accablerait Nadège et se présenta ainsi armé de pied en cap au bureau de la Vérité.

Il s’attendait à des formalités pour être introduit.