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L’ENNEMI DES FEMMES

devenait l’amie de la famille Pirowski et se rendait à Slobudka au moins une fois par semaine, au jour où les visiteurs introduits par le vieux Barlet n’étaient point attendus, Diogène affecta un émerveillement si naïf et parut croire à une collaboration si prochaine entre Petrowna et la directrice du journal la Vérité, que Constantin, ébloui d’abord de cet hommage indirect rendu par le grand railleur à celle qu’il aimait, en vint bientôt à des craintes de diverses sortes.

Il n’avait jamais songé que Petrowna eût la vocation d’une muse. Il s’alarma très vite d’une rivalité possible et, cette fois, plus redoutable que celle du major. Il surprenait souvent la jeune fille rêveuse devant le journal de Nadège. Il est vrai qu’elle devenait, en même temps, plus simple, plus douce, plus affectueuse, plus familière avec lui. Mais, au lieu d’accueillir, comme un symptôme heureux, cette sérénité croissante, Constantin craignait qu’elle ne fût la preuve d’un dédain qui s’augmentait et s’élevait de jour en jour.

On ne parlait plus que de Nadège dans la maison Pirowski. C’était un affolement général. Le vieux gentilhomme la trouvait superbe et digne de ses hommages. Madame Pirowska consentait à reconnaître qu’elle était l’honneur de son sexe. Léopoldine la copiait dans sa toilette et dans ses attitudes. Quant à Petrowna, elle se bornait à dire : « Je l’aime bien », avec un sourire qui désespérait Constantin.