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L’ENNEMI DES FEMMES

— Pas aujourd’hui, mon enfant. J’ai beaucoup à travailler. Mais demain, j’irai vous rendre votre visite, et demander le pardon que vous méritez pour la visite que vous m’avez faite. À moins que madame votre mère n’ait horreur des bas bleus ?

Petrowna regarda naïvement les pieds de Nadège, sans bas, dans les pantoufles d’hermine, et répondit :

— Ma mère sera fière de vous recevoir ; mon père vous adorera, et Léopoldine, j’en suis sûre, me rendra jalouse.

— Ayez courage, mon enfant. Ah ! votre mère est bien heureuse d’avoir une fille noble, sincère et courageuse comme vous !

Petrowna se mit à rire.

— Ma mère me croit entêtée, méchante.

— Vous lui donnez toute la verdeur de votre jeunesse, et vous gardez le miel pour un autre. C’est dans la nature. Il faut bien que nous commencions par être ingrats envers nos parents, pour avoir plus tard, dans nos chagrins, la ressource de revenir à eux, quand ils sont là, et de nous consoler par leur tendresse.

L’entretien se prolongea pendant une heure encore, entre Nadège et la jeune fille. Quand celle-ci, rassurée, encouragée, fortifiée, remonta en voiture, elle emporta la foi.

Madame Ossokhine, en se retrouvant seule, retomba dans sa rêverie.