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L’ENNEMI DES FEMMES

ne vous préoccuper que de votre conscience et de celle de M. Constantin. S’il vous aime, vous le saurez bien ; si vous l’aimerez, vous le savez déjà. Aimez-le sans coquetterie, sans malice ; mais qu’il sache bien que vous l’aimez. C’est là le secret difficile à deviner et impossible à enseigner. L’amour est le seul sentiment qui contienne son génie. Toute l’intelligence ne le donne pas, et il suffit à élever le cœur au-dessus de toutes les intelligences.

Petrowna, qui avait mis ses deux mains sur sa poitrine, releva la tête :

— Je pensais tout cela, dit-elle, mais je craignais presque de le penser.

— Ne redoutez pas l’amour, mon enfant, si vous avez le courage de souffrir, reprit Nadège, en l’embrassant encore ; on se sauve et l’on sauve les autres avec cela. Soyez simple avec M. Constantin. En n’ayant ni coquetterie ni malice vous saurez plus vite s’il vous aime, puisque vous ne provoquerez pas sa vanité. Moi, je vous promets de prendre des informations sur son compte. Il paraît que M. Diogène a sa police. J’ai la mienne. Ne redoutez rien de ce grand ennemi des femmes. Toutes les traditions du monde sont pour nous. S’il est un serpent, nous l’écraserons. Revenez me voir ; ou plutôt, comme je ne veux pas que vous sembliez fuir la maison maternelle pour venir me demander un conseil, c’est moi qui irai vous voir. Voulez-vous m’annoncer à madame Pirowska ?

— Si je vous emmenais ? dit tout à coup Petrowna.