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L’ENNEMI DES FEMMES

de Hongrie. Elle a un guéridon couvert de papiers à côté d’elle ; les pieds nus, par une habitude orientale, sortent, au moindre mouvement, de deux petites pantoufles d’hermine et se posent sur un coussin de velours brodé d’or.

Nadège lit et rit. Elle laisse tomber sur ses genoux la grande lettre qui a provoqué son hilarité.

Au même moment, la porte s’ouvre et mademoiselle Scharow trouble l’harmonie de ce tableau par l’introduction de son visage jaune et osseux.

— Panna, dit-elle d’une voix respectueuse, mais peu habituée au respect, voici une dépêche de Vienne. Il me manque encore deux cents lignes pour achever le journal.

— Cherchez-les là dedans ! répond Nadège en soulevant sur la table les journaux et les lettres, et comme elle s’aperçoit que mademoiselle Scharow jette un regard interrogateur sur la lettre restée sur ses genoux :

— Oh ! cela ! dit-elle, ce n’est pas pour le journal. Mon correspondant de Lemberg, qui m’avait promis des révélations importantes, m’envoie, devinez ?… une déclaration d’amour en quatre pages.

— Oh ! les hommes ! murmura la vieille fille scandalisée.

— Ce n’est pas de sa faute, reprit Nadège, avec un sourire sérieux, c’est de la mienne. Une femme qui se permet d’écrire en faveur de la liberté autorise, paraît-il, toutes les licences. C’est égal, nous supprimerons à l’avenir ce correspondant, puis-