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L’ENNEMI DES FEMMES

Elle haussa les épaules avec incrédulité, mais elle ne put empêcher qu’un faible sourire tourmentât les deux extrémités de sa jolie bouche.

— Oui, de vous ; rien que de vous.

— Ah ! si les arbres et les fleurs parlaient, je suis sûre que le jardin tout entier vous démentirait.

Elle dit cela avec un rire clair, argentin, moqueur. Constantin commit une faute de stratégie. Il voulut lui prendre la main.

Elle sauta vivement au milieu même des groseillers, et quand elle sortit du massif par une contre-allée, elle avait laissé, comme un agneau sa laine, de petits flocons d’hermine de sa kazabaïka aux arbrisseaux.

Une heure après, Constantin disait à M. Barlet :

— Elle me fuit trop ! Je commence à croire sérieusement qu’elle m’abhorre.

Le vieux Français tira de sa poche son Dictionnaire de l’amour, et lut sentencieusement ce passage :

« C’est le rôle des femmes de fuir les hommes, même lorsqu’elles ont envie de se laisser prendre. » — Montaigne.

— Voilà votre cas, ajouta le professeur de français et d’amour.

— Oui, je me dis cela, repartit Constantin, mais Petrowna paraît si sincère dans son éloignement !

— Comme vous paraissez sincère dans votre adoration pour Léopoldine.