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L’ENNEMI DES FEMMES

d’officieux vague, au service de tout le monde.

Léopoldine, qui observait le major et qui jouait avec lui le jeu classique du dédain, paraissait accepter pour elle, et accaparer la bonne volonté de Constantin, qu’elle chargeait de toutes ses commissions.

Esclave avec la belle hautaine jeune fille, confident filial de M. Pirowski, Constantin fournissait la bibliothèque de Léopoldine, lui dévidait ses laines, lui choisissait ses dessins de broderie, lui portait son éventail, la berçait, par les soirs étouffants, dans son hamac, lui mettait des coussins sur les bancs trop durs du jardin, au moindre geste allait lui chercher ou reporter sa kazabaïka, selon qu’il faisait un peu frais ou un peu trop chaud.

Constantin n’avait de repos qu’en jouant au piquet avec M. Pirowski ; mais il fallait subir les longues dissertations politiques du vieux seigneur, lui rallumer vingt fois sa pipe, qui s’éteignait vingt fois.

Quand Léopoldine et M. Pirowski lâchaient leur victime, la fière madame Pirowska le chargeait, dans les petites promenades, de tout ce qu’elle trouvait superflu dans sa toilette et, si le souper se faisait attendre, quand il restait à souper, elle lui demandait d’aller presser les gens du même air que Philippe II avait dû prendre pour envoyer le duc d’Albe dans les Pays-Bas.

Petrowna était la seule qui ne demandât rien, qui n’acceptât rien, qui passât, silencieuse, indif-