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L’ENNEMI DES FEMMES

tendu qu’on lui jetât l’aumône d’une parole, d’un baiser ou d’un petit cœur tout flambant.

Il avait découvert, dans une planche de la clôture, un trou par lequel il pouvait épier Petrowna, occupée à son travail journalier du jardin. Quittait-elle la maison, il la suivait, à une distance respectueuse.

Au bout de quelques jours, s’il n’était pas encore parvenu à voir son pied, il était devenu absolument épris de sa beauté et du charme piquant que son humeur visible lui ajoutait.

Après une semaine, il se crut certain d’obtenir le renseignement demandé par Diogène ; car un matin, il constata les désastres d’une pluie effroyable. Les rues étaient détrempées, et tout ange mortel était condamné, en laissant son empreinte dans la boue, à laisser apercevoir un peu de son pied.

Constantin arriva sur la place au moment où Petrowna, enveloppée dans son manteau, sortait de chez elle pour aller à l’église.

Il fallait, de toute nécessité, gravir cinq grandes marches battues par la pluie, et sur chacune desquelles l’eau s’était accumulée dans une légère cavité, pour parvenir au porche de l’église. Notre amoureux s’arrêta à quelque distance et, le lorgnon à l’œil, attendit.

Petrowna avait traversé la place à petits pas, tranquilles, mesurés, sans que le bout de sa bottine dépassât, autrement que comme un léger coup de langue, le bord de sa robe et de son manteau. Mais, en montant les marches, que ferait-elle ?