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L’ENNEMI DES FEMMES

leurs griffes ; ce ne seront plus que des hommes imparfaits.

Diogène acheva la tirade par un éclat de rire bruyant et forcé ; cette conversation le gênait. On parla d’autre chose, c’est-à-dire qu’on médit autrement des femmes.

Constantin se demandait ce qu’il devait penser de ce cynique si facile à troubler. Était-ce un fou ? était-ce un malheureux, trop fier pour laisser voir une douleur profonde, et tordant ses spasmes douloureux en grimaces narquoises ? S’il débitait avec conviction ses lieux communs et ses paradoxes usés, il n’était qu’un sot ; mais si, derrière cette fatuité de sceptique, se cachait un homme de grande intelligence, tourmenté de quelque amer souci, il fallait le plaindre comme un malade.

De toute façon, ce personnage élégant, prétentieux, visant à la domination, et soumis à des rancunes qui dénonçaient un reste d’illusions, était intéressant à étudier, s’il n’était pas tentant à aimer. En outre, cette police jésuitique, qui lui servait à garnir son greffe, pouvait servir Constantin. L’amoureux résolut donc de paraître charmé plus qu’il ne l’était.

Il aura beau faire, — se disait-il intérieurement, — il ne m’empêchera pas d’aimer Petrowna, et je veux qu’il me serve à me la faire épouser !

Peut-être, de son côté, Diogène, mécontent de lui, ce jour-là, se disait-il :

— Voilà un néophyte difficile à conquérir. Mais