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L’ENNEMI DES FEMMES

tence, il se contenta d’approuver de la tête, puis il s’agenouilla devant Nadège et lui mit un baiser soumis et repentant sur la main.

Petrowna, qui avait Constantin à côté d’elle et qui rayonnait, car toutes ces folies répondaient à sa malice, un peu domptée, mais non supprimée, se pencha tout à coup vers le balcon, et, au grand étonnement de tous, s’écria de sa jolie voix claire et mordante, en répondant à Melbachowski :

— Nous aussi, nous sommes vaincues par l’amour.

Mademoiselle Scharow, qui était sur la place, au-dessous du balcon, s’avança et, levant une main maigre au bout d’un bras osseux, répliqua, en tendant le cou vers Petrowna :

— Je proteste, quant à moi. Aussi longtemps que je vivrai, je resterai misanthrope.

Amen ! répondit Diogène d’une voix retentissante.

Le rire fut général, et Nadège ne put s’empêcher de pardonner à son mari cet écho épigrammatique, qui châtiait l’inflexible mademoiselle Scharow.

Le cortège se dispersa ; les chars vides retournèrent au trot de quelques chevaux de louage dans les remises où on les avait ornés. Le bûcher s’éteignit. Melbachowski réunit les musiciens au café et les fit boire, tout Turcs qu’ils semblaient être, à l’émancipation indéfinie de la femme ; ce qui était un excès. Quant aux dames et aux demoiselles qui avaient figuré dans le cortège, on organisa plus