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L’ENNEMI DES FEMMES

Lorsque Nadège, enveloppée de la tête aux pieds d’une pelisse de velours noir doublée de fourrure et appuyée au bras de madame Pirowska, se montra sous le porche suivie de Petrowna, de Léopoldine, on s’écarta pour lui laisser le passage libre et Diogène se trouva ainsi dans un espace vide, debout, devant sa femme.

Nadège pâlit à son tour ; mais aussitôt un doux sourire ralluma les couleurs éteintes. Diogène lentement, simplement, noblement, se mit à deux genoux, et au lieu de s’adresser à Nadège, qu’il n’avait pas à implorer, dont il n’avait plus de pardon à recevoir, il dit d’une voix haute, en étendant les bras à droite et à gauche :

— Écoutez tous ! Voici ma femme que j’ai offensée, abaissée, diffamée de la façon la plus indigne. Je ne mérite pas que son pied me touche. Je veux que vous soyez témoins de mon repentir et de ma pénitence, comme vous l’avez été de mes folies, de mes fautes, de mes crimes, envers l’honneur et l’amour.

La foule eut une rumeur généreuse. On croyait que Nadège n’était pas fléchie ; mais elle rassura d’un geste ceux et celles qui voulurent l’approcher pour intercéder en faveur de son mari. Celui-ci reprit, en s’adressant à elle :

— Tu pourrais me fouler aux pieds, Nadège, mais déjà tu m’as épargné. Impose-moi devant tous une épreuve ; je la subirai, et ce sera justice.

— La justice, — répondit à son tour Nadège en élevant sa belle voix sonore, — c’est de déclarer