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L’ENNEMI DES FEMMES

— Quant à moi, je vais quitter le pays, ne croyant plus en la parole des hommes, et bien résolu à ne croire jamais à celle des femmes.

— Je vous plains, Melbachowski.

— Je ne vous envie plus, Diogène.

— Vous avez tort ; qui sait d’ailleurs ! Retardez votre départ de quelques jours. Je vous promets un spectacle qui vous donnera peut-être l’idée de m’imiter.

— Je veux bien rester ; mais, je vous en préviens, ce sera pour siffler votre amende honorable.

— Vous ajouteriez à ma gloire ; il vaut mieux la partager avec moi.

Melbachowski haussa les épaules, croyant avoir taquiné Diogène malgré tout, quand il venait, au contraire, de le fortifier dans ses résolutions et d’échauffer son héroïsme jusqu’à l’extravagance.

Le lendemain qui était un dimanche, au moment où la grand’messe allait finir, où le beau monde du chef-lieu, en riche toilette, quittait l’église pour se faire admirer, où la foule remplissait la place, Diogène, dans une tenue sévère, très pâle, la tête découverte, monta l’escalier conduisant au porche, s’arrêta, quand il fut au haut, et attendit.

Sa présence imprévue, sa pâleur, son costume, son attitude, éveillèrent et groupèrent aussitôt toutes les curiosités. On savait que Nadège était dans l’église ; qu’elle allait en sortir. Quel spectacle en se voyant, en s’abordant, ces deux époux allaient donner à la ville !