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L’ENNEMI DES FEMMES

Nadège lui tendit les deux mains par un geste simple et cordial.

— Tu acceptes ?

— Pas encore. Je te remercie déjà.

— Que te faut-il pour que nous reprenions la vie commune, pour que je redevienne, ou que je devienne ton mari ?

— Pour moi, il ne faut plus rien ; mais pour tout le monde !

— Tu te préoccupes du monde, Nadège ?

— Oh ! je sais le braver, quand il ne s’agit que de moi ; mais tu lui as fait tant de sacrifices mauvais, que tu lui en dois un qui rachète les autres.

— Moi, je me moque de l’opinion !

— Tu t’es moqué de l’opinion des gens sensés ; tu as bravé l’estime publique. Moi, je te pardonne, car je sais bien que tu te trompais ; tu étais ivre d’un dépit que tu prenais pour la revanche de ta fière raison masculine, bravée par la raison d’une femme ; je sais cela et je n’ai pas besoin que tu me donnes aucun gage, aucune assurance ; seulement, la solidarité de ces doctrines que tu voulais infliger aux autres, tu dois la vouloir maintenant pour un désaveu de tes théories. Je serai ta femme, quand tu voudras, mais je veux entrer dans ta maison, dans notre maison, mon ami, sans que tu subisses un amoindrissement, et à la condition que tu reprennes, au contraire, le premier rang, celui qui te convient parmi les hommes d’honneur. Je veux qu’on attribue mon retour non pas à ma pitié, mais