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L’ENNEMI DES FEMMES

— Essaie !

— Oh ! l’essai, s’il échouait, flétrirait nos dernières espérances.

— Il n’échouera pas, Nadège. Tu ne sais donc pas quelle femme tu es devenue ? Tous t’admirent, et moi, qui te connais mieux que tout le monde, je ne veux vivre qu’à tes pieds ?

— Je te crois de bonne foi.

— Eh bien, si tu l’es aussi, les douleurs que nous pourrons ressentir ensemble s’effaceront vite dans notre bonne volonté commune.

Nadège était émue. Elle ne mettait point d’orgueil dans sa résistance ; elle luttait contre son mari, pour son mari même ; elle voulait sauver l’avenir, et ne gardait du passé que tout juste assez de souvenir pour être prudente. Mais la prudence devenait difficile.

Comment lutter toujours contre ces regards ardents, contre ces mains suppliantes ?

Elle se leva, fit deux tours dans le salon et alla s’appuyer contre la vitre d’une fenêtre.

Diogène n’osa pas la retenir, et, la voyant plongée dans une tristesse loyale dont il devinait les angoisses, il la laissa s’éloigner de lui, réfléchir, se consulter et le juger.

Comme la délibération de Nadège avec sa conscience se prolongeait un peu, son mari s’approcha d’elle.

— Écoute-moi, — lui dit-il, — je suis de sang-froid. Je ne veux pas faire de menaces tragiques. Tu