j’avais peur de ton oubli. Si je rentrais chez toi, ce serait pour n’en jamais sortir, et si tu me reprenais, ce serait pour ne plus me chasser. Mais serions-nous bien sûrs, l’un et l’autre, d’avoir étouffé à jamais en nous toute cause de désordre ? Oh ! oui, je suis sûre que tu m’aimes, et je te jure que je t’aime ardemment ; mais il y a des devoirs oubliés, des sacrifices négligés, des habitudes perdues que nous sommes peut-être incapables, l’un et l’autre, de rétablir entre nous… Attendons !
— Attendre ! je ne puis plus attendre. Prends pitié, Nadège. Je deviens fou de repentir et d’amour. Va, j’ai bien expié mes sottises. Il n’est pas une fibre en moi qui ne soit à toi, qui ne vibre du désir de ta possession complète. Eh bien, si tu le veux, oublions que nous sommes époux ; laissons dans les rêves ce mariage que je n’ai pas su respecter, et qui est pour toi le souvenir d’un joug odieux. Laisse-moi aspirer au joug que tu voudras. Ton amant… est-ce trop ? ton ami, n’est-ce pas trop peu ?
Diogène avait repris sa jeunesse, avec l’enthousiasme d’un amour repentant. Nadège baissa les yeux et rougit.
— Quelle illusion ! — dit-elle en remuant doucement la tête. — Pouvons-nous effacer la vie passée ? Es-tu bien certain de pouvoir supporter un joug, si léger qu’il soit ?
— Oui.
— Tu étais un tyran ; je ne veux pas de toi pour esclave ; pouvons-nous être égaux ?