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L’ENNEMI DES FEMMES

— Ah ! méchante, pourquoi résister à ton bon cœur ?

Elle ne se défendit pas du reproche et recula un peu son fauteuil.

— Quand donc pourras-tu me pardonner ? reprit Diogène d’une voix triste et suppliante.

— Te pardonner ! mais je t’ai pardonné, mon ami.

— Vrai ?

— Je te le jure.

— Eh bien, alors, c’est que tu ne peux pas m’aimer ?

Nadège le regarda pendant une seconde et abaissant son visage au devant de celui de son mari :

— Écoute-moi et comprends-moi ! — lui dit-elle d’une voix profonde qui pénétrait dans le cœur. — Je t’aime, je n’ai jamais cessé de t’aimer ; je crois que, depuis ton repentir, je t’aime davantage encore ; mais…

— Quel obstacle étrange peut se dresser entre nous ?

— Mais, je n’ai pas le courage, je l’avoue, de vivre avec toi !

— Comment ? — s’écria Diogène, — tu doutes de moi ?

— Je doute de nous. La liberté que nous avons prise l’un et l’autre nous a donné des défauts que nous n’avions pas. La vie d’intérieur nous est devenue si étrangère, après avoir été si longtemps reniée, que j’ai peur d’un rapprochement comme