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L’ENNEMI DES FEMMES

printanier de la possession d’une femme inconnue.

Il avait perdu la jalousie factice et sotte qui lui avait fait provoquer le major. Il était devenu, en quelques semaines, incapable, non seulement de croire qu’une femme comme Nadège pût aimer un homme indigne d’elle, mais pût donner un prétexte à la fatuité d’un sot par un semblant même de coquetterie.

Non, il était jaloux de ceux qui recevaient des ordres de Nadège, de ceux qui travaillaient pour elle. Il enviait la domestique qui lui retirait ses pantoufles. Toutes les folies, tous les enfantillages de la passion poétique il les ressentait et il les aimait.

Un jour, il arriva au moment où Nadège distribuait des morceaux de sucre à des oiseaux dans une volière. Il fit si bien qu’un petit morceau qu’elle venait de séparer d’un plus gros, par un léger coup de dent, tomba à côté de la volière. Diogène le ramassa, fit semblant de le donner à un oiseau, mais le garda ; et plus tard, quand il fut dehors, il le mit dévotieusement sur ses lèvres, il en fit une communion, mais auparavant il avait regardé et baisé la trace des petites dents.

Un soir, Diogène arriva après une visite du matin et à une heure où il n’était pas attendu.

Une inspiration, un coup de force de son amour, de son désespoir, l’avait poussé vers elle. Il sonna si discrètement, il fit si peu de bruit en entrant, et,