Page:Sacher-Masoch - L’Ennemi des femmes, 1879.djvu/297

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
287
L’ENNEMI DES FEMMES

Nadège, qui voulait en effet que rien ne manquât à la guérison de son mari, et qui avait fait entrer peut-être cette sympathie du major dans le programme des petites brûlures imposées à toutes les déchirures de la vanité philosophique, ne voulut pas cependant que Casimir abusât de ses avantages pour trop protéger Diogène ; elle intervint et donna un autre cours à la conversation.

Quand il rentra chez lui, Diogène avait l’exaltation d’un jeune homme qu’un amour rapide, imprévu, a transformé.

Relancé dans tous ses paradoxes, pourchassé dans tous les refuges de son amour-propre, il en arrivait à cette simplicité perdue de ne plus discuter avec les mouvements du cœur, et le lendemain de ce thé pris avec le major, en s’éveillant, ou plutôt en achevant son insomnie, il trouvait de bonne foi que Casimir avait été moins sot que lui, et il ne voulait plus penser à autre chose qu’au moyen de séduire Nadège.

Il alla la voir tous les jours, et par un symptôme heureux, dont Nadège était secrètement ravie, il restait, pendant chaque visite, silencieux, s’absorbant dans une contemplation toute juvénile. Il admirait sa taille, comme s’il ne l’avait jamais vue. Il trouvait ses mains délicates, et s’extasiait de ne leur trouver jamais l’ombre d’une tache d’encre ; ce n’était pas seulement la confusion de ses procédés d’autrefois qui lui venait en présence de Nadège ; c’était le désir vif et pour ainsi dire