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L’ENNEMI DES FEMMES

Diogène se sentait en verve. La beauté de sa femme, la gaieté un peu railleuse, mais, après tout, encourageante qu’elle laissait voir, tout exhortait le mari à plaider sa cause ; quand un petit coup frappé à la porte du cabinet interrompit l’entretien qui s’engageait avec des chances heureuses pour l’amour et le repentir de Diogène.

— Entrez, dit Nadège.

La porte s’ouvrit, et mademoiselle Scharow, des épreuves d’imprimerie à la main et un formidable pince-nez sur le nez, entra.

Il était impossible d’imaginer une muse plus désagréable au regard, et de symboliser l’émancipation intellectuelle de la femme d’une façon plus offensante pour l’illusion du cœur.

Nadège devina l’effet que devait produire sa collaboratrice. Elle n’en fut point fâchée. C’était un petit condiment de plus dans le régime auquel elle soumettait le repentir conjugal.

— Mademoiselle Scharow, — dit-elle, en présentant sa vieille amie à Diogène, — mon secrétaire, mon bras droit, mon auxiliaire, un vaillant défenseur des droits de la femme, et, je dois l’avouer, une misanthrope très énergique.

Diogène fit un salut d’assez mauvaise grâce. Mademoiselle Scharow se tint redressée comme un grenadier prussien, passé en revue et mis à l’ordre du jour par Frédéric-le-Grand.

— Monsieur Diogène Kamenowitch ! continua Nadège en présentant son mari.