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L’ENNEMI DES FEMMES

Pour sa première visite, il fut modeste et discret ; il sortit de chez lui vers le soir, bien enveloppé dans son manteau, et comme un galant qui craint de compromettre sa maîtresse, il alla frapper à la porte de sa femme.

La servante qui lui ouvrit ne le connaissait pas, et lui demanda son nom. Il fut ravi de cette petite épreuve imposée à son orgueil, et remit sa carte pour qu’on la portât à Nadège.

La servante revint au bout de deux minutes, l’introduisit dans le salon de madame Ossokhine et le pria d’attendre quelques instants : madame était en conférence avec des délégués du district, pour des élections nouvelles.

Cette réponse donna un peu de mauvaise humeur au philosophe. Il s’était imaginé qu’on l’attendait avec impatience. Nadège pourtant congédia les visiteurs, aussi promptement qu’elle put le faire, et ouvrant la porte de son cabinet qui communiquait avec le salon, elle vint en souriant au devant de lui.

— Excuse-moi, — lui dit-elle : — c’est là un des inconvénients du métier que tu m’as obligée de prendre.

— Je te le ferai quitter, répondit Diogène en déposant un baiser sur la main de sa femme, et en sentant se dissiper le petit accès de colère qu’il venait d’avoir.

Nadège lui apparaissait avec une grâce et une beauté qui étaient comme une double révélation et, malgré lui, Diogène comprenait, à première vue,