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L’ENNEMI DES FEMMES

— À moi comme aux autres. Il faut être en révolte absurde contre vous ou vous obéir. Les femmes sont nées pour commander.

— Si je te prenais au mot ? dit Nadège avec un faible sourire.

— Tu conviendrais alors du malheur des hommes.

— Les hommes ne sont malheureux que par leur faute, — repartit gravement Nadège. — J’ai bien réfléchi à cela depuis que j’écris et que j’ai seule la responsabilité de ma destinée. Le grand mal, c’est que les femmes sont exclusivement élevées pour l’amour, et qu’on ne prévoit jamais qu’elles puissent servir à l’amitié, à l’intimité virile de l’esprit. Vous nous haïssez avec autant d’exagération que vous nous désirez. Les femmes sont des favorites qu’un caprice peut rejeter, ou des despotes qui ne se maintiennent en possession d’un peu de liberté que par la tyrannie. Cela sera aussi longtemps que vous aurez peur de nous instruire, et que vous laisserez un gouffre intellectuel entre vous et nous. Vous nous fermez toujours la porte du savoir, de l’esprit, et quand une femme, par surprise ou par effort, l’entr’ouvre, vous exigez que, malgré cette conquête, elle reste confinée uniquement dans les devoirs des autres femmes ignorantes, banales. Que diriez-vous donc si on imposait à un homme instruit l’obligation de fendre du bois, toute sa vie, ou de battre du blé ?

— C’est au père Gaskine qu’il faut dire cela,