longue et cruelle inimitié, de ce scandale d’un antagonisme qui avait fait tant de mal aux autres, ainsi qu’à eux-mêmes.
Était-ce une dernière résistance de son orgueil, ou une illusion de sa conscience ? Voulait-il être pardonné, sans s’être humilié, ou bien ne se sentait-il pas coupable ?
Nadège l’observait, et quand elle était seule, ressentait une véritable tristesse de cette obstination de Diogène. Mais elle lui donnait, avec une humeur douce et sans arrière-pensée apparente, la réplique dans leur tête-à-tête, et rien n’eût été plus étrange que d’entendre ces deux époux, torturés par une douleur secrète, ne s’aborder que pour se sourire, ou pour disserter en général sur les sentiments.
— Quand je pense, — dit un jour Diogène à Nadège, — qu’on a osé prétendre que les belles femmes n’ont point d’esprit ! tu es la femme la plus intelligente que j’aie jamais rencontrée, et c’est pour cela que tu es si belle.
Le compliment, au lieu de séduire Nadège, l’attrista ; elle le trouvait d’une grâce hyperbolique.
Un autre jour, il s’interrompit brusquement dans une discussion légère, que la logique de sa femme faisait tourner à son détriment, et s’écria :
— À quoi sert la philosophie ? Je me croyais un philosophe. Dès qu’une femme paraît, nous sommes des enfants, des esclaves.
— Des esclaves ! répliqua Nadège ; voilà un mot qui ne peut pas s’appliquer à toi.