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L’ENNEMI DES FEMMES

— J’ai peur de vous déranger, panna, répondit-il.

— Non. Je vous le demande, restez ! Je n’ai rien à dire que vous ne puissiez entendre.

— Ce n’est qu’une visite ? demanda Diogène.

— Une première visite, — répliqua madame Ossokhine. — Je reviendrai tous les jours ; mon devoir est ici.

— Ah ! ne me quitte pas !

Elle sourit, mais garda le silence.

— Tu ne me pardonnes pas, Nadège ?

— Il ne s’agit encore que de guérir cette blessure-là, — reprit-elle avec bonté, mais avec fermeté ; — plus tard, nous verrons.

— Ah ! tu es toujours la même, Nadège. Il faut t’obéir ou se révolter ; je ne me révolte plus ; j’obéis.

Nadège ne parut pas triompher de cette soumission. Elle se leva, se débarrassa de sa pelisse, de son voile, et ne s’occupa plus que des soins à donner au blessé. Quand il voulut l’obliger à s’asseoir de nouveau près de lui ; quand il paraissait se préparer à parler du passé, elle feignait de ne pas entendre ou de ne pas comprendre ; s’il lui fallait absolument l’écouter, elle mettait bien vite le doigt sur sa bouche et lui disait :

— Le médecin défend les émotions ; repose-toi et dors.

Il fut longtemps à s’endormir ce soir-là ; il finit pourtant par tomber dans un sommeil paisible et