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L’ENNEMI DES FEMMES

— Est-il mort ? demanda Melbachowski à voix basse ; et pourtant la question fut entendue du groupe placé à vingt pas.

Le chirurgien palpa le cœur, examina la blessure, fit attendre sa réponse pendant une longue minute et dit enfin, à voix haute :

— Non, mais la blessure est grave.

— Je n’ai pas voulu le tuer, murmura le major à ses témoins.

Il salua et, n’ayant plus rien à faire, se retira avec les deux officiers.

Au bruit de la détonation, les paysans de Troïza accoururent sur le terrain, et avant que le chirurgien eût opéré un premier pansement, ils avaient offert de transporter le blessé au village. Ils improvisèrent un brancard, et avec les peaux de mouton que quelques-uns portaient sur les épaules, ils firent un lit assez doux ; puis on se mit en route pour la ferme du père Gaskine. C’était la maison la plus commode pour le blessé, mais c’était aussi la plus étrangement désignée par les circonstances pour abriter l’homme que le vieux fermier considérait comme un coupable et comme un justiciable.

Quand Diogène eut été placé sur un excellent lit, dans la plus belle chambre de la ferme, le médecin procéda à l’extraction de la balle, qui avait pénétré sous la dernière côte ; mais elle n’avait atteint aucun organe essentiel ; le médecin, mieux éclairé dès lors, affirma que, toute sérieuse qu’elle était, la blessure n’avait rien de mortel.