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L’ENNEMI DES FEMMES

Il voulut se moquer de lui-même ; il chercha dans l’arsenal de ses théories, de ses sophismes, de quoi se combattre et se corriger.

Il se rappela qu’il avait, pendant une année, très sérieusement souhaité que Nadège prît un amant, pour qu’il eût un droit plus manifeste de la haïr, de la mépriser, de l’insulter publiquement de son mépris.

— Eh bien, se dit-il, si mon souhait se trouvait réalisé, aurais-je à me plaindre ? Ma vengeance ne serait-elle pas d’autant plus complète que le choix de Nadège serait plus ridicule et plus sot ? Ce major, ma créature, mon pantin, qui conspire contre moi ! Est-ce assez niais ? Ah ! je le casserai ce joujou inepte et révolté ! Il t’en faudra un autre, je t’en avertis, Nadège, et prends garde à bien choisir ; car je les tuerai, s’ils ne me tuent pas.

Ce fut dans ces dispositions extravagantes, homicides, qu’il rentra chez lui, effrayant son vieux domestique par sa pâleur et le tremblement de tous ses membres.

Pendant ce temps-là, madame Ossokhine et le major caracolaient dans la plaine, ne se doutant pas du nouvel acte de folie que méditait le philosophe, dont la philosophie était en déroute.

Le major était un matin au café, occupé à lire les journaux, ou peut-être simplement occupé à la comédie d’une lecture qui n’était que bien superficielle, car ses rêves de fortune et ses espérances de prochain mariage suffisaient à alimenter son