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L’ENNEMI DES FEMMES

sentence à prononcer ou un jugement à exécuter.

Constantin n’insista pas. Il était d’ailleurs dans un renouveau d’égoïsme qui devait lui faire bien vite oublier ce qui intéressait les autres, pour ce qui le concernait exclusivement.

Il s’assit donc à côté de Petrowna, qui réparait de son mieux la folie de son épreuve, sa mélodramatique réconciliation, par sa douceur, sa simplicité, le terre-à-terre aimable et décent de son humeur.

Le père Gaskine faisait à lui seul, sur un côté de la table, vis-à-vis aux deux convives.

Après avoir prononcé gravement le benedicite, il frappa dans ses mains pour qu’on servît, et un domestique, en costume petit-russien, entra dans la salle, tenant à la hauteur de sa tête, comme pour s’en masquer, un plat fumant de viande bouillie.

Constantin regardait venir le plat ; mais il remarqua surtout le domestique.

— Comment ! — s’écria-t-il, dès que celui-ci se fut approché, — c’est Jaroslaw !

Il fit un mouvement pour se lever. Le vieux Gaskine l’arrêta d’un geste.

— C’est Jaroslaw, dit-il, mon serviteur.

— Votre fils ?

— Mon fils ? oui, mais mon serviteur et le vôtre.

— Qu’est-ce que signifie ce déguisement.

— Ce n’est pas un déguisement. Il porte l’habit que j’ai porté et que mon père a porté. Jaroslaw était déguisé quand il habitait la ville ; quand il