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L’ENNEMI DES FEMMES

— Je ne serai pas à vous, Constantin, et je veux mourir !

Elle se dégagea de sa pelisse, en montrant alors des pistolets qu’elle avait dissimulés jusque-là.

Constantin pâlit. Le cas devenait délicat. L’extravagance de cette proposition acheva de l’étourdir. Si Petrowna jouait un jeu, la moindre hésitation lui faisait perdre à lui la partie ; si le fanatisme apparent était sincère, devait-il abandonner à sa fièvre celle qu’il aimait depuis cinq minutes plus qu’il ne l’avait jamais aimée ?

Constantin était de sa race. L’abîme l’attirait.

— Soit, dit-il résolument, comme s’il se fût jeté dans un gouffre, mourons ! et il tendit la main.

Petrowna lui donna le pistolet, comme elle lui eût donné une fleur de son bouquet, et le regardant fixement, sans qu’une fibre de son visage tressaillit, elle continua de le mettre au défi.

Devant cette férocité ou cette fantaisie, Constantin eut un éclair double de désespoir et d’amour insensé. Petrowna valait-elle qu’on mourût pour satisfaire son caprice, ou qu’on se tuât plutôt que de l’aimer ?

Il plaça intrépidement le canon du pistolet sur sa poitrine, à l’endroit du cœur, et, sans ajouter un mot, il lâcha la détente. La capsule prit feu, mais ce fut tout.

— Le pistolet a raté, dit-il. Donnez-moi l’autre.

Mais Petrowna jeta l’arme qu’elle tenait, et, débarrassée de sa pelisse, se précipita au cou de son