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L’ENNEMI DES FEMMES

l’amour de son mari. Cet exemple m’effraie. J’ai peur, car je me sens faible.

— C’est un génie funeste, Petrowna, que celui qui donne la peur de la vie !

— Et celui qui fait douter de l’honneur et de la vertu des femmes, Constantin ?

— Oh ! celui-là, je le maudis !

— Alors, vous vous maudissez vous-même. Mais, le mal est fait, je vous l’ai dit. Je ne suis point venue pour vous attendrir. Vous êtes libre de sortir, de repartir sans moi, pour la ville. Je suis venue seulement vous demander ceci : si je voulais mourir, consentiriez-vous à mourir avec moi ?

Décidément, Petrowna avait une idée fixe. Elle regardait son fiancé avec des yeux qui voulaient pénétrer jusqu’au fond de sa conscience. Constantin subissait un supplice étrange. Tout en se disant, en se répétant qu’avec cette insistance lugubre Petrowna était absolument déraisonnable, il éprouvait peu à peu ce vertige auquel une imagination polonaise n’a jamais su résister. La contagion du délire le gagnait.

— Si vous étiez à moi, ma chère Petrowna, je consentirais à mourir, et le feu de votre baiser sur ma bouche suffirait à me tuer.

Petrowna battit avec les longs cils de ses yeux la flamme inquiète et effarouchée que cette protestation de Constantin avait allumée dans ses prunelles, puis, redoublant de gravité :