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L’ENNEMI DES FEMMES

que pour vous, et, si elle l’exigeait, vous ne vivriez que pour elle !

L’accent que Constantin avait mis dans ces paroles fut un coup droit au cœur de Petrowna ; elle tressaillit ; leva la tête ; son regard s’embrasa.

— Quand m’avez-vous donc juré de ne vivre que pour moi, dit-elle avec une ardeur telle que le pauvre amoureux étendit les bras, comme si sa fiancée, repentante, eût été prête à s’y jeter.

— Le jour où je vous ai proclamée, devant tous, la plus belle, la meilleure, la plus sainte, — reprit-il en se levant, — je vous ai donné ma vie, et je ne l’ai pas reprise.

— Bien vrai ? dit Petrowna d’une voix frémissante et en se reculant.

— Ah ! si vous ne m’avez pas cru, si vous ne me croyez pas encore ! — s’écria le jeune homme, — c’est que vous êtes incapable d’aimer.

Petrowna était enveloppée dans une longue pelisse qui cachait sa kazabaïka. Elle fit quelques pas dans la cave, les bras serrés sur sa poitrine, et revenant vers Constantin, elle lui dit, avec une confiance absolue en elle-même, sans s’apercevoir qu’elle était presque à sa discrétion, dans ce lieu solitaire :

— Si j’ai douté de vous, Constantin, c’est que sans méconnaître aucun de vos mérites, j’ai pensé que vous n’étiez pas, comme je veux, mon ami, mon mari, non seulement prêt à vivre pour moi, mais aussi prêt à mourir avec moi, s’il me plaisait de mourir.