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L’ENNEMI DES FEMMES

— Depuis que vous êtes devenue une si grande amie de madame Ossokhine, continua Constantin, avec un accent d’ironie.

— Ah ! ne parlez pas mal de Nadège ! interrompit la jeune fille avec exaltation. Elle vaut mieux que nous toutes. Si nous sommes brouillés, Constantin, c’est que je n’ai pas suivi ses conseils, ou que je les ai mal compris. C’est aussi que vous n’avez pas parmi vos amis un homme dont le cœur soit égal à celui de Nadège, pour vous conseiller. Non, non, dites du mal de moi ; dites que je suis coquette, méchante, cruelle, capricieuse ; que je suis incapable d’aimer, indigne d’être aimée ; j’aime mieux cela. Mais ne dites pas de mal de Nadège, car vous outrageriez plus que mon amour, c’est-à-dire mon âme et ma foi !

Cet enthousiasme, ce fanatisme étonna d’abord Constantin et finit par l’éblouir. Quel plus beau feu que celui qui jaillit de la colère de celle qu’on aime ! Constantin ne pouvait se méprendre à cette admiration de Petrowna pour Nadège. Elle tenait à une vocation féminine, ardente, superbe.

— Je ne veux dire aucun mal de madame Ossokhine, — répondit-il, — seulement je suis jaloux d’elle.

— Vous, jaloux ?

— Oui. Vous l’aimez d’amitié comme je voudrais être aimé d’amour. Quoi qu’elle fasse, vous ne doutez d’aucune de ses actions, de ses paroles. Elle ne vous a pas juré, comme moi, de ne vivre