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L’ENNEMI DES FEMMES

Constantin, à trois jours de là, reçut un billet mystérieux ainsi conçu :

« Une personne qui a des communications de la plus haute importance à vous faire, qui s’intéresse à votre avenir, à vos amours, à votre bonheur, vous attend ce soir, à dix heures, dans le faubourg Zalesthschiler, auprès de la Taverne rouge. »

Constantin, en recevant ce billet, ne douta pas qu’il ne fût envoyé par Petrowna. Sans être fat, il s’imagina que l’excentrique jeune fille voulait le frapper par le mystère de ce rendez-vous, le contraindre à une démarche romanesque qui eût ménagé l’amour-propre de la jeune fille, sans toutefois qu’elle parût céder.

Depuis le duel de madame Ossokhine, il y avait dans l’air une atmosphère de fantaisie élégante et audacieuse. Il est vrai que le faubourg indiqué était un endroit un peu désert, et que la taverne était un endroit assez mal famé.

Mais l’impatience de réconciliation qui le tourmentait fit passer Constantin par-dessus ces motifs de douter et de prendre garde, et à dix heures précises il était à l’endroit indiqué.

La nuit était froide, silencieuse, solennelle ; le ciel, d’une limpidité merveilleuse, étincelait d’étoiles. La terre semblait couverte d’un tapis de duvet blanc, comme on en cloue dans la chambre à coucher des Polonaises élégantes. Les arbres, poudrés de neige, se dressaient de chaque côté du chemin comme de grandes statues de plâtre. Le toit de la