Page:Sacher-Masoch - L’Ennemi des femmes, 1879.djvu/231

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
221
L’ENNEMI DES FEMMES

— Vous qui la haïssiez tant ! dit Melbachowski.

— La haïr ! moi ! Vous avez cru que je la haïssais ? Vous ne vous connaissez ni en haine, ni en amour. Oui, j’ai dit que je la haïssais ; mais je mentais, autant que quand je l’ai calomniée. Je me vantais de la mépriser, et vous avez cru à ces vanteries. Oh ! qui donc me délivrera de la vie ? Faut-il me tuer, pour proclamer une dernière fois ma niaiserie ?

Il piétinait dans la neige, sur son pistolet, comme s’il eût voulu écraser la tête de quelque monstre.

— Je me flattais d’être un philosophe ! — reprit-il ; — j’étais un sot ; ce major, cet imbécile, a plus d’esprit que moi, puisqu’il l’admire naïvement et qu’elle se sert de lui pour défendre son honneur. Moi seul, je n’ai plus le droit d’aimer, d’honorer cette femme.

— Pourquoi ? demanda le Polonais.

Diogène le toisa avec un étonnement méprisant.

— Comment ? — lui dit-il, en crispant ses mains l’une dans l’autre, — vous n’avez pas deviné que c’est ma femme ?

— Votre femme !

— Eh oui ! ma femme ! celle que j’ai méconnue, qui me méprise et que j’adore !