mesure qu’il recevait pour ainsi dire le reflet de ce beau visage sévère et placide, de ces yeux bleus profonds qui le fascinaient. Il resta une seconde pétrifié ; puis il recula, en balbutiant des mots que personne ne comprit, jeta son pistolet dans la neige et finit par se couvrir les yeux de ses deux poings, en disant à Melbachowski :
— Soutenez-moi donc ? Ne voyez-vous pas que la terre tremble, et que je vais tomber ?
Nadège laissa retomber son voile avec la même lenteur, se retourna et dit au major :
— Partons !
Diogène n’écarta les poings de ses yeux, ne recouvra la parole, que quand le son des grelots du traîneau qui emmenait Nadège se fût éteint derrière la forêt.
— Où avais-je l’esprit ? — dit-il à demi-voix, d’un air égaré, — et se ranimant aussitôt : Comment ? vous m’avez laissé venir ici, faire cela ? Comment ? j’ai été assez sot, assez lâche pour l’outrager ? Comment ? vous n’avez pas deviné mon secret ? Ah ! fou que j’étais ! C’est maintenant, seulement, que je devine moi-même ! Elle peut me fouler aux pieds, me tuer ! car si elle m’épargne, c’est moi qui me tuerai !
— Monsieur, expliquez-vous, dit le comte polonais, fort surpris et presque vexé d’assister à une scène sentimentale, au lieu du drame promis.
— Il n’y a rien à expliquer ! répartit Diogène avec violence.