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L’ENNEMI DES FEMMES

— C’est rendre le duel impossible ! dit-elle d’une voix rigide.

Au son de cette voix, assombrie pourtant par le voile, Diogène tressaillit visiblement ; il commença un geste vague, comme pour palper son cœur, et éleva sa main gauche jusqu’à sa moustache qu’il étira.

— Je ne puis cependant pas tuer une femme ! dit-il avec un éclat involontaire.

— Vraiment ! murmura Nadège.

— Je vous en supplie, madame, laissez-moi prendre votre place, s’écria le major.

— Ou moi, se hâta d’ajouter le vieil officier de Napoléon.

Nadège secoua la tête.

— Il faut que M. Kamenowitch tire sur moi, ou se rétracte, dit-elle fièrement.

— Je ne puis me rétracter, — répliqua Diogène que cette menace rendit à sa colère ; — j’ai dit la vérité, et c’est vous qui l’avez trahie.

— Moi, j’aurais menti ! moi ! repartit Nadège, en s’approchant de lui d’un pas ferme et en écartant lentement son voile.

— Diogène baissa d’abord les yeux pour ne pas voir le visage qui le provoquait ; puis il les releva et les ouvrit tout grands, comme sous l’effort d’un magnétisme invincible, et alors il se passa quelque chose de bien plus extraordinaire que la provocation, que le duel. Une sorte d’épouvante mystérieuse se répandit sur la figure du philosophe, à