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L’ENNEMI DES FEMMES

avec des armes ; il était sombre, résolu. Ce n’était plus le paysan narquois et rusé ; c’était le paysan en révolte contre la ville, prêt à se battre. Il n’admettait pas que le droit de tuer Diogène pût être douteux une minute. Nadège le gronda, se fâcha presque ; Petrowna, au contraire, se mit à l’unisson de sa férocité, et comme le fermier savait quelque chose des déceptions de la jeune fille :

— Fiez-vous à moi ; lui dit-il. Votre Constantin ne vaut peut-être pas mieux que ce Diogène. Je saurai le mettre à la raison, s’il est susceptible de se corriger.

Contrairement à l’attente et à la curiosité générales, madame Ossokhine ne répliqua pas. Mais, après quelques heures de réflexion solitaires, elle fit prier le major et le vieux professeur de français Barlet de passer chez elle, s’enferma avec ces deux hommes d’honneur, et, après une demi-heure de conversation, les congédia stupéfaits, émerveillés, attendris et exaltés, mais singulièrement solennels.

Quel conseil avait-elle pu leur demander ? N’étaient-ils pas, pour cette femme supérieure, d’étranges confidents ?

Il faut avouer qu’ils étaient, dans ce cas particulier, d’admirables garants devant l’opinion publique. Ils avaient, l’un avec son grand âge, ses souvenirs héroïques, sa qualité de Français, l’autre avec son grade, sa prestance, sa réputation de courage, un prestige considérable dans la ville.

Qui sait d’ailleurs, si madame Ossokhine,