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L’ENNEMI DES FEMMES

Il fait la guerre aux femmes par dépit, par honte d’avouer qu’il voudrait en être aimé sans les mériter ; il feint de les mépriser, pour se venger d’avoir estimé une honnête femme. Il se pose en mari malheureux, incompris, maltraité et trahi, sans s’apercevoir qu’il fait le procès de son infaillibilité conjugale. Maladroit à l’excès, il ne doit qu’à la patience de l’honnête femme outragée le vain prestige dont il abuse et qu’un rayon de vérité ferait évanouir.

Madame Ossokhine insistait sur le ménage d’un pareil homme qui, avant son incrédulité affectée, était d’une jalousie maladive, inquiète, ne permettant à personne d’admirer sa femme, croyant l’avoir créée, parce qu’il l’avait choisie, et voulant thésauriser maladroitement les mérites d’une créature qui lui donnait tout son amour, mais qui ne pouvait pas lui donner toutes ses pensées.

Le monde, — disait l’écrivain, — s’étonne des prétendues révoltes des femmes, qui prennent un jour la plume pour oublier ou pour raconter les amertumes de leur ménage. Mais ces indiscrètes échappent ainsi, en immolant quelque chose de leur modestie, au suicide de leur âme, après le meurtre de leur bonheur. Si elles semblent usurper sur les devoirs virils, sur les vocations masculines, la faute de cette usurpation doit être attribuée aux hommes qui n’ont pas su, dans le ménage, leur réserver la part discrète du conseil intime, d’une collaboration intellectuelle.