Page:Sacher-Masoch - L’Ennemi des femmes, 1879.djvu/214

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
204
L’ENNEMI DES FEMMES

même dot que moi ; elle a un meilleur caractère que moi. Vous auriez tort d’hésiter.

— Mais si je vous préfère, Petrowna ?

— Erreur ! votre prétendu amour pour moi n’est que la forme de votre dépit.

Le major étonné, troublé, tirait ses moustaches.

— Mademoiselle, — reprit-il, — permettez-moi de réfléchir.

— Je vous donne jusqu’à ce soir !

— Jusqu’à ce soir ? c’est un délai bien court.

— Bah ! vous avez fait sur le champ de manœuvre des changements de front plus rapides. À ce soir, major !

Casimir, éconduit, mais invité à aimer une majestueuse personne qui pourrait faire pendant à sa dignité, se retira solennellement. À deux pas de la maison, il était décidé, son parti était pris. Mais, puisqu’on ne l’attendait que le soir, au Palais de bois, il se promena par toute la ville, caressant au physique sa moustache, et, au moral, l’idée d’épouser la belle Léopoldine, comme il avait caressé, le matin, l’idée d’épouser Petrowna.

Celle-ci courut avertir Nadège du résultat de sa conversation.

— C’est très bien, mignonne.

— Quoi ! c’est là un mari ! — soupira Petrowna. — Ai-je donc fait un rêve trop difficile, moi ?

— Non, mais vous vous y êtes mal prise, mon ange, pour le réaliser. Constantin, je le crois, est digne de vous, comme vous êtes digne de lui. Ce